Etienne BOURS et
Pierre-Jean HENROTTIN
On aurait pu titrer : Les Anthinoises…mais encore ? ou Les Anthinoises : oui mais comment ?
Après cinq ans de silence, le festival a enfin replanté ses chapiteaux en ce mois de mai 2023. Les organisateurs avaient «profité» de cette longue interruption imposée pour réfléchir à la formule et recentrer le tout sur l’essentiel : la musique, vraie motivation depuis le début. Essentiellement de la musique. Le tout concentré dans une nettement plus petite partie du village et, qui plus est, la plus patrimoniale. Une organisation qui devenait dès lors moins compliquée. Et ce fut un succès. Même le soleil s’est décidé à participer. Le public fut nombreux et heureux, l’ambiance très détendue, les artistes très généreux. Et les organisateurs y ont retrouvé un plaisir intact malgré l’abrasement des années qui passent et qui ne rajeunissent guère cette équipe soudée. Il y eut très peu de grognements et de coups de gueule. Mais il n’en reste pas moins qu’il semble utile aux artisans de ce festival de faire un peu le point, question de donner aux habitants de l’entité divers éléments pour comprendre ce que ce type d’organisation représente.
Vu de l’extérieur, cela peut paraître assez simple. Et pourtant ! Allons-y dans l’ordre si possible. Un festival de ce genre fonctionne grâce à un contrat programme avec le ministère. Sacré dossier à revoir régulièrement et qui demande beaucoup de précisions, de calculs, de chiffres, d’engagements… (ça ne se fait pas en deux pages). S’il est bien ficelé, ce dossier garantit une subvention récurrente destinée notamment à payer les artistes. Premier point essentiel évidemment mais qui ne va pas, pour autant, financer l’ensemble du festival. Pourquoi ?
Parce que cet ensemble est énorme.
On se réunit régulièrement pour échanger sur la programmation. Il faut souvent s’y prendre longtemps à l’avance question d’être certains de bloquer la date pour des artistes qui pourraient avoir d’autres propositions au même moment. Il faut débattre longuement et techniquement de la logistique, des aspects techniques, des nuisances possibles… Certains des organisateurs n’hésitent pas à rendre visite aux riverains les plus proches pour discuter avec eux, les prévenir, les inviter…
Ajoutons encore que le festival essaie de suivre une certaine éthique. Contrairement aux plus grands festivals (Werchter, Tomorrowland…) les gobelets sont réutilisables – on évite dès lors des milliers de gobelets dans les poubelles ! Pratique qui va devenir obligatoire en tout cas dans les festivals en Wallonie. Les repas des artistes et organisateurs sont préparés par le Mad Café, coopérative d’intégration sociale liégeoise.
Il faut également être conscient du fait qu’une telle organisation procure du travail à beaucoup de monde : loueurs et monteurs de matériel, équipes techniques, société de sécurité, musiciens, chanteurs et managers, brasseries… Toutes personnes qui ont beaucoup souffert de la pandémie.
Mais, et c’est essentiel de le préciser, le festival lui-même est fait totalement bénévolement. Aucun des organisateurs ne perçoit un franc quelle que soit la masse de travail fournie pour en arriver au résultat final. Même si certains donnent une part énorme de leur temps. Oui mais ils aiment ça ? Certes mais n’oublions pas que l’âge et sa jumelle la fatigue guettent chacun et que des doutes peuvent parfois surgir quant à la pérennité de la chose.
C’est pourquoi, d’ailleurs, le marché des artisans a disparu de la fête. Au grand dam de certains qui aimaient sans doute déambuler dans un village transformé, parfois sans le moindre intérêt pour ce qui se passait sous les chapiteaux. C’est assez simple à comprendre lorsqu’on relit la liste (non exhaustive) de tout ce qu’il faut faire pour organiser le festival lui-même. Il faut, pour créer un tel marché, investir une autre énergie, une autre liste de tâches compliquées, d’autres assurances, locations de matériel, tracasseries de voirie, etc. C’est un autre festival dans le festival : aussi simple, c’est-à-dire aussi compliqué, que cela !
Avis aux amateurs…
Alors oui ce festival a, une fois de plus, bien fonctionné. C’est le moins qu’on puisse dire. Mais que personne ne s’imagine qu’il suffit d’un claquement de doigt pour opérer cette magie musicale. Et pourtant on pense déjà à la prochaine édition !
Même si, comparé à d’autres, notre festival demeure relativement modeste, s’il fonctionne sur le bénévolat et sans rechercher de bénéfice, proposer un programme de qualité dans de bonnes conditions tout en pratiquant une politique d’accès démocratique nécessite des moyens souvent insoupçonnés de l’extérieur et un délicat jeux d’équilibre budgétaire. Alors, pour vous en convaincre, dévoilons en toute transparence le bilan financier de cette édition 2023 : un bilan quasiment à l’équilibre, une petite perte (810 euros) que nous avons pu facilement prendre en charge grâce aux fonds de notre asbl.
Contacts : info@anthinoises.com